L’entreprise coloniale israélienne a commencé dans un contexte d’occupation militaire à la sortie de la guerre des Six Jours en 1967. Voilà cinquante-sept ans que l’État israélien construit à Jérusalem-Est et en Cisjordanie des localités résidentielles à la destination exclusive de ses citoyens en empiétant sur les territoires palestiniens occupés. Cet article s’intéresse à la colonialité de l’architecture par l’analyse des logements édifiés pour cette entreprise, en regardant plus particulièrement une typologie d’immeuble singulière, apparue au début des années 1990 à un tournant de l’histoire du conflit. Au cours des trois dernières décennies, cette typologie devenue majoritaire dans l’habitat israélien s’est propagée dans les territoires occupés. Elle manifeste une série de phénomènes paradoxaux, directement liés au contexte de son émergence, et par là même nous renseigne sur les contradictions du colonisateur au cours de cette période.

Re-Examining Power Relations Through a Colonial and Post-Colonial Lens

This issue focuses on spatial, architectural and landscape heritage produced in “colonial situations,” exploring the contact, friction and tension between ideology, cultural exchange, ideas of modernity and societal impacts. Architectural and built spaces, as well as certain landscapes, reveal enduring colonial power relations long after independence and the fall of empires. From a decolonial perspective born in Latin America, this is what Anibal Quijano (2005) calls the “coloniality of power”; that is, a power structure persisting below the surface. Him and others, like Walter Mignolo (2011) and Arturo Escobar (2003), agree that

coloniality refers to colonial dominance, emerging with the conquest of the Americas and progressively emanating on an international scale to impose a global hierarchy of peoples based on race, sex, epistemology, spirituality, linguistics, and so on.

While various debates surround decolon...

Réinterroger les rapports de pouvoir au prisme de l’espace colonial et postcolonial

Ce dossier thématique s’attache aux héritages des espaces, des architectures et des paysages produits en « situation coloniale » aujourd’hui, ainsi qu’à l’exploration des zones de contact, de frottement et de tension entre idéologies, négociations culturelles, conceptions de la modernité et projets de société induits. En effet, les espaces aménagés et architecturés, tout comme certains paysages, rendent visibles les rapports de pouvoir coloniaux et leur permanence au-delà des indépendances et de la fin des empires. Ce que, dans une perspective décoloniale née en Amérique latine, Anibal Quijano (2005) nomme la « colonialité du pouvoir », c’est-à-dire une structure de pouvoir pérenne aux continuités souterraines. Pour lui, comme pour Walter Mignolo (2011) et Arturo Escobar (2003),

la colonialité désigne les rapports coloniaux de domination qui émergent avec la conquête de l’Amérique et s’établissent pro...